Le culte de la personne au parti socialiste sert depuis trop longtemps la présidentialisation et la dépolitisation rampante de ce mouvement.
A de nombreux égards, les candidatures de Martine Aubry, et de Ségolène Royal participent de cette démarche personnifiée de la direction du parti socialiste :
- Elles sont toutes deux probablement présidentiables. Le vote pour l'une ou l'autre est en ce sens une façon d'anticiper sur 2012. Celle de Benoît Hamon restitue au contraire à mes yeux davantage, l'aspiration des militants à un retour aux sources dans la culture militante de la gauche. C'est à dire une culture de type parlementaire, ancrée dans le mouvement populaire comme préalable à la désignation d'un porteur de mandat collectif.
- Le risque de la division est réel entre ces deux femmes de forte tête et le clanisme qui les pousse à prendre le devant, tandis que Benoît Hamon a su ménager, rassembler, agréger tout au long de sa campagne.
- La légimité revendiquée par Ségolène Royal sur son nom, du fait du score de sa motion arrivée en tête semble dissimuler qu'au total c'est la ligne de gauche qui fût majoritaire si l'on compte le total des voix de la motion Aubry + Hamon. C'est cette ligne politique, qui revendique le soutien au mouvement social, la régulation, la redistribution des richesses et leur meilleure répartition entre capital et travail ainsi qu'un véritable volontarisme public, qui fût plébicitée, tout autant que la volonté très nettement affichée de changer les équipes, de se régénérer.
Sur ce plan, la motion C portée par Benoît Hamon est la plus fortement marquée : qu'il s'agisse de l'interdiction des licenciements boursier ou de l'exclusion du champ marchand de la gestion de l'eau ou des énergies. Le mode choisi de la gestion en régie publique constitue un des combats majeur d'aujourd'hui face à la privatisation et à l'explosion des coûts d'accès aux ressources naturelles. Un gain de pouvoir d'achat est possible.
Le Parti enfin. Après dix ans de synthése factice et de molletisme, s'ouvre bien une ère nouvelle, celle de la possibilité d'un tournant historique dans la bataille de la reconstruction d'une opposition à la droite. Mais c'est aussi l'heure de la crédibilité. A l'instar de Barack Obama, et la comparaison ne s'arrête pas du tout là, Benoît Hamon revendique un renouvellement sociologique permettant de mieux représenter ceux que nous sommes cencés défendre. Mais surtout, il l'INCARNE. Fils d'ouvrier, il sait d'où il vient, donc où il doit aller..Les valeurs du travail, du mérite et de l'aspiration à grandir socialement coulent dans ses veines. Non celles de la spéculation, de l'affairisme et des petites combines carriéristes entre amis.
A cela, ajoutons qu'il est député européen, mais qu'il fût l'un des plus critique de son parti sur le projet de référendum porté en 2005 tout en ayant respecté la discipline du PS. Combabtif, mais démocrate donc. Un point qui lui vaut un succès d'estime car ses convictions n'ont pas disparues pour autant. Son travail au Parlement européen, constitue aussi un fort atout pour dialoguer avec nos voisins et amis, en leur rappelant quelques utiles vérités sur la faiblesse de l'Europe politique.
De ce point de vue, la question des alliances n'est pas secondaire, peu importe le choix de François Bayrou, c'est le message envoyé au reste de la gauche qui se pose alors. Ce n'est pas la question de l'alliance éventuelle avec le MODEM qui nous est posée, mais celle de l'union nécessaire de toute la gauche pour faire corps avec les couches populaires, promouvoir ce que Ségolène Royal a (peut être trouvé sur ce blog) à choisi d'appeler : "Le nouveau front populaire". Pour ne pas dévoyer l'idée, cela implique de poser comme préalable le rassemblement de la gauche avant d'envisager le reste et sûrement en l'excluant pour mieux éviter la dérive droitière du parti socialiste.
La question des alliances n'est pas une affaire de principe mais une question stratégique Il ne s'agit en rien de leçon morale, mais de pur calcul stratégique ! (oui, la politique est bien le dernier lieu où l'on trouve de l'idéologie, arrêtons de rêver )
A force de faire le grand écart, la gauche risque de faire un claquage en brouillant ses repères sociologiques. Le pire pour le candidat socialiste n'est pas la concurrence à droite -laissons Sarkozy et Bayrou se disputer le marché - mais la compétition fratricide à gauche.
-Comme en Allemagne, et l'on se souvient que cela produit l'inéluctable succès de Merkel face à un SHROEDER discrédité et l'émergence de DIE LINKE, le mouvement d'Oscar Lafontaine.
- Comme en Italie, et l'on voit le discrédit de Prodi face à Silvio Berlusconi.
Ainsi, tant qu'à choisir une politique libérale, les gens préfèrent toujours autant l'original à la copie. Ce que je résumerais ainsi : mieux vaut en face de soi, un véritable ennemi qu'un faux ami que l'on respectera moins parfois qu'un adversaire qui annonce la couleur. De grâce, de la clarté d'abord.. et pourquoi pas ensuite l'ouverture.
Une droite dure, une gauche sure d'elle même.En étant ainsi sûre d'elle même, la gauche pourrait, selon l'issue de ce congrès redevenir à terme audible et crédible.
Audible dans les milieux populaire,s
Crédible aux yeux de la jeunesse, des personnes agées,des salariés, mais aussi des chefs d'entreprises - par ses propositions utiles et efficaces. Pensons à tous ces petits entrepreneurs qui expérimentent la précarité dans le mode libéral d'exercice de leur métier, et de toutes les catégories lésées par la logique prédatrice et élististe du capitalisme financier.
La gauche pourrait aussi s'ouvrir sur une analyse de la dimension socio générationnelle du rapport entre les individus : comprendre les jeunes travailleurs pauvres, analyser la répartition fiscale qui pèse plus lourdement sur la jeunesse, répondre aux défis sociaux, écologiques, économiques, technologiques et démocratique de notre temps avec une avant garde à sa tête.
Gouverner c'est prévoir. On ne peut pas anticiper avec de vieilles recettes, mais en étant un pied dans le présent tout en regardant vers le futur.
Pour en finir, Ségolène Royal et Martine Aubry sont deux femmes d'engagement et de courage.
L'analogie avec la situation américaine est encore assez frappante, Mme Clinton était appréciée dans le camp démocrate, mais Obama a triomphé parce qu'il était porteur d'un souffle et d'un dynamisme puissant.
Si pour une fois, on regardait avec une lanterne pour éclairer l'avenir et non dans un rétroviseur pour mesurer le chemin déjà parcouru ?
Enfin, que le meilleur gagne, la démocratie est enfin de retour au PS.
Cette primaire est certes tendue, mais on pourrait qui sait demain, en garder un rafraîchissant souvenir.