Monday, September 28, 2009

Travailler tue

Un 24 ° suicide vient d'avoir lieu à France Telecom.
Derrière la situation dramatique au sein de cette entreprise, la réalité des chiffres de morts par causes professionnelles semble surréaliste. La mortalité professionnelle (accidents, maladies, suicides ) http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=nattef06209&id=103 serait une part importante de la mortalité routière (autour de 7000 en 2009). Le plus souvent, les employeurs responsables demeurent impunis. Cette comptabilité morbide est accablante. En même temps, l'absence de mesures fortes signe le mépris des autorités publiques envers les salariés de notre pays..

Dans la France du 21° siècle travailler tue encore.
Quel paradoxe dans une société qui se targue d'être riche et hautement civilisée ! Dans une société louant la valeur travail et le mérite seules la spéculation et l'influence récompensent..

En témoigne sur rue89 encore les études de l'association contre le harcèlement professionnel, qui frappe plus vite et plus fort en temps de crise. En témoignent les tribunes dans les colonnes du Monde encore dernièrement sous la plume entre autres d'Eric Beynel leader syndical SUD, le travail nuit encore souvent gravement à la santé. Mais l'on nous assure ; les français veulent travailler plus, le dimanche, et toute leur vie. Au point que ce qu'une partie d'entre nous pouvaient envisager comme facteur d'émancipation, de socialisation, bref de bonheur, est redevenu la forme d'aliènation du genre humain la plus répandue. Comme dans les temps anciens que l'on croyait révolus. Comme au temps de Jaurés..

JAURES REVIENS !

Dans ces moments là, on s'interroge forcément sur l'absence quasi-totale de responsabilité pénale des employeurs en fait. Car si le droit existe, rares sont les condamnations et surtout les plaintes au départ permettant de faire cesser l'atteinte aux droits humains dans l'entreprise.
L'excellent documentaire américain "the Corporation" a justement dépeint l'entreprise comme seul acteur de la société américaine à ne pas être vraiment soumis au régime de responsabilité sociale, pénale, morale et environnementale. Mais la France est loin d'être bonne élève..

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi !

Parce que les dirigeants de nos pays ne veulent pas perturber l'intérêt de ces grandes entreprises le plus souvent cotées en bourse. Il faut être clair : l'éthique salariale n'est pas du tout la même selon la taille de la structure car la pression des actionnaires est forte dans les grandes et le lien humain plus fort dans les petites- et cela signifie qu'ils (nos dirigeants) ont en fait abdiqué devant l'ordre économique. Et cet ordre est sans morale sociale.
Mais l'on peut être libéral et humaniste ! des milliers d'entrepreneurs le prouvent ! certains se sacrifient et même se tuent à la tâche. Certains se suicident même faute d'avoir pu sauver leur entreprise écrasée par la domination des grands groupes..certains acceptent des abaissements de salaires, des ventes à perte..
Force est donc de constater que les pouvoirs publics se situent du côté de l'oppresseur et non de l'opprimé.

Au fond, dans les temps "modernes", on pourrait souhaiter une évolution vers la société post salariale, faite de collaborateurs, d'auto entrepreneurs et de travailleurs indépendants.
A condition de leur offrir de solides garanties collectives dans le cadre d'un projet de société résolument progressiste.
Mais en attendant que l'émancipation vienne, va t-on laisser commettre encore longtemps ce crime dans l'entreprise, dont il appartiendrait à la justice de dire s'il s'agit d'homicide.
Qu'attendent aussi les décideurs pour les bannir des marchés publics leur faisant injonction de changer leur pratique managèriale. Encore plus grave lorsqu'il s'agit d'une entreprise dans laquelle l'Etat détient une part du capital. L'incurie des pouvoirs publics, malgré les audits et les témoignages, cette incurie est coupable.

Et dès lors au contraire de les dépénaliser, n'est il pas temps de renforcer le régime de responsabilité des affaires ?

A ce propos, il est temps sans doute d'exiger du gouvernement de tripler (au moins) le nombre d'inspecteurs du travail qui seraient chargés d'enquêter sur la situation, rapporter, puis conduire à ouvrir des instructions au pénal !

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