Monday, February 16, 2009

Outre-mers*, autre France ?


Nous, la France !

Les outre mers s'enflamment. De l'autre bout de l'océan raisonne ce cri de colère contre les discriminations et contre la vie chère. Enfin, le son perce. Mais pour combien de temps et pour quels résultats ?

Ce qui est dit d'une voix limpide, celle d'Elie DOMOTA (notre Obama ? quel grand résistant en tout cas) c'est le rejet d'une corruption endémique.

-Corruption culturelle d'une France si lointaine et pourtant si maternelle qui cherche tantôt à uniformiser, tantôt à exclure.
- Corruption économique, par les rentes de situation monopolistiques des amis du "pouvoir parisien".
- Corruption démocratique et politique enfin par l'ingérence et le clientélisme qui font et défont les pouvoirs locaux sans aucun changement. On ne compte plus les condamnations ou les mises en examen pour abus de pouvoirs, détournements de fonds, et autres dans ces départements.
Bref corruption coloniale..


Je l'ai constaté aussi en voyage en Guadeloupe, mais aussi en Polynésie.
De tous les témoignages reçus, les prix si élevès tiennent dans des situations de monopoles de grands groupes parfois masqués par des filiales tropicales en forme de PME, des surfacturations (scandale de l'eau) à tout va,et des revenus souvent insuffisants qui maintiennent dans la dépendance-et l'assistance, les populations de ces régions. Cette lutte contre la corruption épouse donc le combat pour la dignité, et contre des discriminations faites à un territoire et surtout à certaines catégories des gens qui y vivent..
Nos banlieues, en pire, l'outre mer est ainsi considéré comme "exception" républicaine, tant sur le plan législatif (les lois faites sont toujours "spécifiquement adaptées", que fiscal "logique de niches, ou zones franches totalement inefficace et abritant toutes formes de dérives (pas de contrôle, peu de contraintes).


Au fond, il y a dans la crise qui galope d'îles en îles une trame existentielle, un désir d'appartenance et un message de rejet à la fois. Nous devrions écouter les deux.
Il y a au fond du dépit mêlant de l'espoir au sang de la déception. L'outre mer pourtant c'est la France, et donc la réciproque est vraie. Chacun doit se trouver solidaire et malheureux des évènements qui s'y déroulent en ces instants.
"De la dignité ! la Guadeloupe est en nous !" disent les manifestants. On comprend aisément qu'il est impossible de payer deux fois plus cher qu'en métropole l'essence ou l'eau quand on gagne deux fois moins. Surtout, il faut s'alarmer d'une mise sous tutelle, voir sous domination blanche, les clés de toutes les responsabilités économiques. Mais plus profondément encore que la crise sociale, c'est de l'âme d'un peuple dont il s'agit. Sa peine, ses souffrances sont les nôtres.
Face à cette quête viscérale et l'amertume qui exhume de tout un être entier, les antillais demandent l'égalité, la fraternité, mais aussi la liberté. Pas la charité. Encore moins l'assistance.
Ils demandent ce que demandaient les paysans, le tiers états, les sans rien du temps de la révolution : la fin des privilèges ! Et avec elle, non pas le largage, mais l'autodéveloppement. Non pas tant l'indépendance que la liberté dans une République qui reconnait enfin tous ses enfants.

C'est une foule mobilisée par la grêve générale, dont l'ampleur équivaut à l'échelle du territoire, à celle de mai 68 dans le pays, qui aspire à la reconnaissance au moins aussi fortement qu'elle aspire à l'amélioration de son niveau de vie.
Pourtant, le gouvernement au lieu de donner gain de cause aux revendications des salariés, donne l'impression de se servir du mouvement pour aider à nouveau les entreprises amies, par des cadeaux fiscaux, et une politique sans contrepartie, sans astreinte en faveur de ceux qui ont déjà tous les pouvoirs au risque de faire croître le front de rejet et une illusoire quête indépendantiste.
On prétend aider les pme, mais ce sont pour la plupart des filiales tropicales des grands groupes nationaux !
On répond "calme, négociation et laisser faire", mais le seul pouvoir de dire oui aux entreprises et non aux salariés constitue une faille dans le schéma prétendument libéral qu'il défend. Ce n'est pas de l'idéologie, mais d'éthique dont il est question.
La force de la cause ultra marine est quelle est celle de tout un peuple que se sent méprisé par une élite spéculant sur le chaos.
Faute de la prendre en considération, la lutte pour l'amélioration de la vie et contre les discriminations a déjà gagné tous ceux qui se reconnaissent comme victime ou solidaire de ces victimes par simple sens de l'humanité et par esprit de fraternité.

L'identité nationale réside dans cet assemblage coloré, pluriel, solidaire. Sans lui, la France n'est rien.
L'absence dit-on, agit sur l'amour comme le vent sur le feu. Il éteint les petits et ravive les grands.
Que dire de l'indifférence, de l'abandon, de la distance que l'actuel président de la République met dans la relation entre la France métropolitaine et la France ultra marine sinon qu'elle est coupable, et même gravement coupable ? celui dont les amis voulaient il y a peu encore réhabiliter la colonisation par la loi n'apporte pas la réponse aux aspirations profondes des couches populaires. Ni ici, ni là bas. Pas plus aujourd'hui qu'hier les solutions politiques envisagées à Paris ne répondent aux besoins des habitants. A défaut d'entendre le message prononcé, Nicolas Sarkozy sera responsable de la contagion de la réponse au virus parce qu'il est le président de trop en temps de crise. Au delà, c'est tout un univers politique qui doit se renouveler pour enfin ressembler et entendre la voix qui demande que ça change.
La France ; il y a ceux qui l'aiment et ceux qui la quittent. De ceux là nous ne serrons pas.
Amour vache sans doute, mais n'en déplaisent à celui qui en renie l'essence, les valeurs, les fondements : on y est, on y reste ! On résiste car La France est en nous. Voyez comme déjà sa flamme embrase l'océan.


* je précise la raison de l'emploi du pluriel pour ceux qui me l'ont demandée. De la même manière que je trouve mal approprié l'usage du singulier pour parler des banlieues, il me paraît salutaire de montrer la pluralité des outre mers. Du reste, c'est cette diversité que Christian Paul, ancien secrétaire d'Etat chargé de ces questions sous Jospin a toujours mis en exergue.

1 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Pour avoir effectué des déplacements professionnels en Polynésie, Guadeloupe et Martinique je ne peux que te rejoindre dans ton analyse. Quant à l'attitude de la sarkozie il n'y a qu'à prendre connaissance des derniers propos- j'allais dire aboiements- de F.Lefevre porte flingue pour mesurer à quel point ses analyses sont sommaires, méprisantes et maprisbles..

Vincent Carlotti

8:04 AM  

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