L’inquiétante dérive nationale sarkozyste
Quand l’UMP et le FN s’uniront pour le pire
«Au-delà d’une saine compétition entre personnalités différentes et talentueuses, au-delà d’opinions divergentes mais légitimes, c’est donc bien, en réalité, notre conception de la République et le devenir de notre démocratie qui sont en jeu. C’est grave!» déclare Jean-François Kahn dans son édito pour le journal "Marianne" du samedi 14 avril concluant par cet appel à un sursaut citoyen: "Dans trois semaines, il sera trop tard".
Au-delà des clivages partisans c’est vrai, rien n’empêche d’avoir du respect pour un adversaire politique honnête avec lequel on débat dans le cadre d’une même conception de la république et de la démocratie. Moi-même socialiste ayant voté non au référendum, petite-fille d’ouvrier pas franchement prête à sacrifier mes espoirs d’une nouvelle offre politique ancrée à gauche et peu réceptive à la thèse d’une union au centre, j’ai de la considération pour François Bayrou, un vrai libéral, mais un homme droit. Or, on sent confusément un risque d’une nature singulière peser sur le scrutin présidentiel qui oblige chacun à revisiter ses fondamentaux idéologiques...
En 2002, nous avons créé un mouvement d’élus de toutes tendances républicaines et progressivement de citoyens contre la corruption appelé « Anticor ». Nous ne l’avons pas fait tant pour marteler la persistance de ce phénomène malgré des discours plutôt rassurants depuis les lois sur le financement de la vie politique par les ténors de la vie politique française, que pour insister sur l’impérieuse nécessité de réhabiliter la politique, face à une forme de corruption de la démocratie et une terrible menace constituée par la tentation extrémiste qui prospère sur la corruption des élites politiques. Notre analyse pointait le danger de l’enracinement de la défiance populaire après le naufrage présidentiel ayant conduit Le Pen au second tour, sur fond d’un terrible discrédit frappant le candidat du camp républicain et bien sûr la situation sociale du pays.
Cinq ans se sont écoulés depuis ces évènements. Aucun de ses facteurs n’a disparu. A la veille d’un autre grand rendez-vous démocratique, faisons le bilan des avancées de ce combat contre la corruption...
A l’actif de nos campagnes, les engagements que viennent de prendre trois candidats issus de partis ayant parfois été unis dans des pactes de corruption. A savoir : François Bayrou, Ségolène Royal et Dominique Voynet auxquels nous avons remis notre prix pour avoir retenu les mesures que nous préconisons dans la lutte contre la corruption. Ces choix constituent la première marche de la reconnaissance d’une priorité pour remédier aux désordres de ce monde. Nous ne sommes pas naïfs, mais nous en prenons acte et nous saurons leur rappeler leurs engagements si cela s’avère nécessaire..
Sarkozy, bonnet d’âne de la lutte anticorruption
Au passif de ce bilan, il y a ce bonnet d’âne que nous venons d’attribuer au candidat de l’UMP qui n’a pas daigné nous donner de réponse et n’a toujours pas fait publiquement la lumière sur son « intérieur » après la parution d’inquiétants articles dans le Canard Enchaîné, de même qu’il accorde le label de la formation politique qu’il préside à des candidats condamnés pour des délits financiers. On observe avec quelle docilité ceux-là se pressent de se montrer aux côtés du candidat. Ils font bonne figure sur la photo de famille. Comme s’il s’agissait d’afficher avec toute l’arrogance de la monarchie d’hier envers le tiers état, l’impunité couvrant cette nouvelle aristocratie qui s’enrichit à l’ombre de la République.
Sarkozy l’ultralibéral, allié demain à Le Pen l’ultranational
A cela s’ajoute le ping pong qui se joue ces temps-ci entre Le Pen et Sarkozy. Le match donnerait presque l’illusion qu’ils se combattent vraiment mais tout sonne comme si le second ne cherchait qu’à s’assurer la présence du premier au deuxième tour, lequel s’évertue à défendre sa qualification en criant plus fort que l’autre. Spectateur de ce jeu de rôles, nous assistons à « l’extrême » médiatisation du débat de la peur sur les thèmes de la nation, le droit du sang, l’héritage génétique en sus.
Qu’il s’agisse des déclarations de ce député des Alpes-maritimes Jérôme Rivière, pour qui l’accord UMP-FN ne doit plus être une question « tabou » suivant de peu celles du maire de Nice, Jacques Peyrat, pour qui l’attachement au FN est légion, le rapprochement se fait appeler. Dans cette région, le FN fait ses plus gros scores, tandis que la corruption atteint des sommets. Si l’union sacrée ayant permis hier l’élection de messieurs Charles Million et Jacques Blanc était rejetée par la droite gaulliste de l’ancien chef du RPR, serait-elle donc en passe de devenir la nouvelle donne du fait de la perte d’un allié de poids dans l’échiquier républicain que constitue l’UDF selon M. Sarkozy ? A en juger les dernières déclarations du patron du FN, en tout cas rien n’y ferait obstacle de son côté puisqu’il considère que le candidat UMP "est un type assez opportuniste, réaliste, très ambitieux. C’est un homme avec qui on peut parler", dans un entretien paru dans le journal Ouest France le 9 avril. Enfin, cette main tendue du « bras droit » de l’ancien ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, qui suggère « la proportionnelle » à l’Assemblée nationale qui permettrait au FN d’avoir des députés.
Pour peu que certains l’estiment comme une pure improvisation tacticienne, qu’ils se souviennent aussi de l’expression solennelle de Nicolas Sarkozy pour garantir à Le Pen ses parrainages aux fins d’assurer sa présence dans ce scrutin, Besancenot en guise de caution pour la gauche avec l’espoir de sa division.
Une fixation congénitale des deux partisans..
D’immigration « choisie » en « ministère de l’immigration et de l’identité nationale », l’ex-ministre de l’Intérieur n’a jamais d’ailleurs cherché à combattre le FN comme il le prétendait sur le plan idéologique mais simplement installé un nouveau programme dans un même logiciel. Il a juste adapté à sa famille partisane le langage lepeniste. En développant la thèse du mouton égorgé par les musulmans dans la baignoire (pratique désormais interdite et qui serait vite stigmatisée pour qui s’y oserait) sur la grande chaîne nationale TF1, et en stigmatisant les émeutiers de l’automne 2005 selon leur origine, il l’a même nourri, tant par la stigmatisation d’une catégorie d’individus que par la division de la population, désignant le bouc émissaire idéal aux yeux des Français apeurés et accablés par la violence de la société. Tous ces faits montrent que Nicolas Sarkozy a méthodiquement banalisé le discours frontiste sous la bannière d’un parti politique républicain. Sur ce seul plan de la sécurité, il y aurait déjà beaucoup à dire puisque des études sérieuses prouvent non pas le facteur racial de la population criminogène mais simplement le phénomène de jeunes hommes en perdition, dont le nombre est plus élevé parmi les enfants d’immigrés dans les banlieues défavorisées. Lorsqu’il déclare : "Quelle est la part de l’inné et de l’acquis ?", à propos de la pédophilie et du suicide des jeunes pour alimenter la thèse du déterminisme lorsqu’il est invité par Michel Onfray, le candidat de l’UMP indique une direction en tendant la main à son aile droite pour qui selon son origine on est génétiquement de la graine de gangster. Il montre la voix d’une pureté supposée de la nature humaine qui tiendrait dans ses gênes, dans son sang. Avec ce couple qui ne vit plus son amour caché, la France peut trembler de peur...
Sarkozy pointé du doigt par la Ligue des droits de l’homme
Il se trouve également que la Ligue des droits de l’homme vient de classer le candidat UMP Nicolas Sarkozy « en queue de peloton avec 2 sur 70 soit 0,57/20, sur la base de ses déclarations publiques puisqu’il n’a pas répondu » à son questionnaire. On se souvient qu’après avoir fustigé au début de son mandat « les droits de l’hommistes » dans le journal Le Monde en 2002, empruntant ainsi au néologisme d’extrême droite, M. Sarkozy récuse à présent « l’égalitarisme », l’égalité étant devise républicaine affichée en bannière au dessus de nos bâtiments publics. Tout comme Jean-Marie Le Pen récuse l’égalité des droits entre les hommes selon qu’ils ne sont pas de même nationalité. Tout passe, comme s’il se produisait sous nos yeux un glissement progressif qu’il convient donc d’observer attentivement, même s’il peut sembler improbable aux yeux de certains entre le candidat d’une droite extrême à la fois libérale et pro-atlantiste et celui de l’extrême droite libérale et nationaliste. En effet, si pour la plupart des Français, la victoire de Jean-Marie le Pen est indésirable et dangereuse car elle isolerait la France, celle de Nicolas Sarkozy alliée au FN repose sur un discours au fort relent nationaliste tout en étant ouverte sur le monde. Ceux qui, aujourd’hui, envisagent de voter pour ce candidat doivent donc être prévenus qu’ils mettront sans doute dans l’urne un bulletin portant la marque Le Pen. Ils ouvriront à brève échéance la voie d’un gouvernement Front national. Les citoyens doivent avoir conscience de ce que cela revient à faire, et plus particulièrement ceux qui au sein de la droite républicaine, aussi bien que ceux choisissent l’extrême droite pour casser un système qu’ils jugent corrompu, parce qu’ils risquent de produire exactement l’effet inverse de ce qu’ils souhaitent. Ils risquent de porter au pouvoir un clan d’hommes d’influence issus de tous les lobbies d’affaires économiques et financiers, alliés au nationalisme violent et autoritaire. En clair : c’est ce que nous dit la presse italienne, notamment le journal « L’espresso » ; la « Berlusconisation de la France » qui est en marche, et peut-être pire..
La conjugaison du nationalisme, à la corruption des élites.
Cela promet d’accentuer le chaos social et la défiance populaire envers la représentation politique devenue « caste dominante » sous couvert d’un dogme impraticable du « travailler plus pour gagner plus ». Allez dire ça à l’ouvrier de chez Renault au bord du suicide, ou aux salariés de Dim qui ont connu la délocalisation fiscale de leur entreprise. Aux employés de Colgate qui ferme des usines en faisant des profits faramineux, etc., etc.
- A nous citoyens ordinaires, ils nous demandent de nous taire, ils nous écoutent, ils nous surveillent, ils nous fichent. Ils viennent chercher les mères de famille étrangères à la sortie des écoles pour les expulser.
- A eux, les parachutes dorés, la fortune à l’abri dans leur paradis fiscaux, l’impunité pour les amis corrompus, les médias hautement financiarisés en guise d’appui de leur idéologie antisociale. Et Le Pen ne dit rien d’autre que Sarkozy là-dessus, tout juste ses amis osent-ils ajouter à la défiance à l’égard des politiques qu’ils présentent comme étant « tous pourris » . Et, pour quoi faire d’autre que d’achever le délabrement de la démocratie ?
Un devoir de vigilance et de résistance
A tout cela, s’ajoute le risque d’un véritable hold-up démocratique que constitue le vote électronique déjà programmé dans plusieurs départements acquis au leader de l’UMP où tous les coups sont permis. Les experts techniques des machines à voter sont en passe de remplacer le contrôle démocratique par les citoyens. Dans un vote qui peut se jouer à quelques milliers de voix, tout est possible. Ceux-là ne doivent pas être, à l’instar de George Bush, la Floride de Nicolas Sarkozy. Son ami néoconservateur G. Bush n’attend que ça pour passer à la dernière phase de ce à quoi semble inviter ce si dangereux slogan : « la France d’après ».. Après la démocratie ?
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