Thursday, January 25, 2007

In nomine Patris.....


ma tribune parue dans le Nouvel Economiste du 25.01.07 sur les nominations présidentielles...

A la question :" comment garder de l’influence quand on perd le pouvoir ?" Jacques Chirac répond par l’exercice de ses prérogatives en matière de nomination. Ce droit est propre aux fonctions exorbitantes de président « monarque », "père" de la France que lui confère le régime de la cinquième République. Ainsi, la plupart des institutions dirigées par des personnalités, tels que La CNDS, la CNIL ou le CSA, et l’ensemble des parquets de France et de Navarre font l’objet d’une fraîche vague de recyclage (1) sur critère politique depuis plusieurs mois. La dernière liste de nominations en date remise par Thierry Breton, ministre des finances, concernant la Caisse des dépôts et des consignations a quelque peu agacé le chef du Parti socialiste qui s’est aussitôt empressé de la dénoncer appelant à un changement profond de ces modes de désignation", avec "contrôle parlementaire". Et de rappeler que le projet PS prévoit une désignation des membres du Conseil constitutionnel "à la majorité des deux tiers par le Parlement ». De son côté, le Président de l’UDF, et néanmoins candidat à la magistrature suprême, souhaite rendre la République "impartiale", en instaurant des"auditions publiques" pour certaines nominations. Ce que propose aussi l’UMP pour les "membres du Conseil constitutionnel, les membres des autorités administratives indépendantes, le médiateur et les présidents des entreprises publiques". Les Verts plaidant pour le principe d’une élection par les pairs, pour « garantir l’indépendance par rapport au pouvoir politique ». Largement explicité dans le livre d’Arnaud Montebourg(2), fondateur de la Convention pour la Sixième république, le sujet des nominations soulève un problème d'équilibre et de séparation des pouvoirs qu'il convient d'aborder à une échéance électorale décisive pour le pays. Notons que ces réactions au moment où resurgi le débat sur le statut pénal du chef de l’Etat, ainsi que sur la transparence du patrimoine des élus. Il y a donc un parfum de révolution éthique dans l’air, qui ne tient pas seulement dans la dimension juridique et institutionnelle, mais bien démocratique et politique de ce sujet. Car, en quoi peut tenir la séparation des pouvoirs dans un pays où l’essentiel de ceux-ci n’est détenu qu’en une main ? Qu’on sache à quel point le pantouflage d’un grand nombre d’élus dans des entreprises publiques ou privatisées désormais délégataires de services publics, une fois recalés du suffrage universel pose un problème de mélanges des genres, dès lors que leurs fonctions leurs permettent d’entretenir une relation d'affaire au profit de leur clan en alimentant leur propre portefeuille au passage. En décembre, l'ex ministre Frédéric de Saint-Sernin conseiller à la Présidence de la République, quittait ses fonctions officielles auprès de Jacques Chirac pour devenir lobbyiste chez Artémis, la société de François Pinault.. ami de Chirac. Plus tôt, Jérôme Monod, ancien conseiller de Jacques Chirac, devenu PDG de la Lyonnaise des eaux, a réussi à implanter sa société dans un grand nombre de communes amies qui lui ont octroyé le bénéfice de marché public. Mais on aurait tort de considérer que la droite à le monopole du portefeuille, bon nombre de Mitterrandiens en on fait tout autant, à l’instar de Mme Anne Lauvergeon, PDG d’AREVA. Et, l'on ne compte plus les camarades socialistes comme Pierre Victoria, ancien député, actuel directeur des relations institutionnelles de Véolia. Cette société est bénéficiaire d'environ la moitié des délégations de gestion des services publics de l'eau ou des ordures ménagères. . Mais ne voyons aucun lien de cause à effet, tout est transparent et la concurrence règne depuis les lois organisant les marchés publics, et celles régissant le financement public de la vie politique. D'ailleurs, nous veillons à ce que les autorités de contrôle fassent très bien leur travail puisque nous y nommons nos amis !
Si le droit dit qu'utiliser ses fonctions pour obtenir un avantage d’une structure sur laquelle on a autorité cela peut être condamnable selon le chef de prise illégale d’intérêt ou trafic d’influence, délits voisins de la corruption, il est battu en brèche dans les faits à coup de lobbying et de partenariat public privé. Pour le faire appliquer, il est nécessaire d'établir de vrais contre pouvoirs. Force est constater que la tendance présidentialiste actuelle du régime institutionnel français vient concentrer un pouvoir excessif dans les mains d’un seul homme dont celui de nommer.. Au-delà d’un simple toilettage de ses fonctions, la séparation des pouvoirs commencera quand les nominations aux postes clés de la République ne seront plus soumises au fait du Prince, soit à la discrétion du Président en place. Celle-ci devra permettre de garantir que chaque institution est indépendante, que les juges ne sont pas choisis pour étouffer les affaires politico-financières par exemple. De ce fait, la carrière des uns ne dépendra plus de la couleur politique du Saint esprit, mais d'un esprit sain dans un corps public impartial.
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notes :

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1- La polémique porte sur le nom de Michel Boyon, ex-directeur de cabinet de Jean-Pierre Raffarin pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), celui de Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée, pour le Conseil constitutionnel.. Les nominés proposés par Thierry Breton sont Maurice Gourdault-Montagne, conseiller diplomatique de Jacques Chirac, Jean-Pierre Jouyet (ancien directeur du cabinet de Lionel Jospin), directeur de l'Inspection générale des Finances, Jean-Pierre Denis, président d'Oséo, proche de Nicolas Sarkozy et ancien secrétaire général adjoint de Jacques Chirac, et Augustin de Romanet, également ancien secrétaire général adjoint du président

2- "la machine à trahir : rapport sur le délabrement de nos institutions" ed Denoël. 2000

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