Tuesday, September 19, 2006

La tragédie de l'au revoir


(photo de Léon Trotsky libre de droit car elle fait partie du domaine public)



Lionel Jospin, homo trotskus (2ème Partie)

Si la politique compte beaucoup de psychopathes (voir mon précédent billet), elle se meurt de la disparition des philosophes. Ce que nous apprend Machiavel, ne comporte pas uniquement des enseignements au service d'un tyran, le Prince, mais plutôt une pensée sur la méthode dont l'effet dépend en réalité de la nature et de la bienveillance de son auteur.

Or, les hommes politiques actuellement dans la place sont souvent machiaveliques dans leur comportement, mais pas toujours bien intentionnés. Ce n'est pas le cas de Lionel Jospin, qui voulait faire bien les choses mais ne semble pas maîtriser la philosophie politique de Machiavel, parce qu'il est d'abord un idéologue inspiré par Léon Trotsky. Autrement dit, un esprit révolutionnaire dans un corps d'intellectuel..

Un tragique au revoir

C'est bien connu, quand les artistes font leur au revoir, il faut toujours faire le rappel. Que le spectacle fût bon ou mauvais, cela fait partie des usages. A t-on jamais vu une star quitter la scène sans revenir une dernière fois saluer la foule en délire ?
Justement, comme je disais de Laurent Fabius qu'il a fait de la politique un art, je dirais que la politique a fait de Lionel Jospin un artiste. Genre dramatique. Car enfin, quelle façon plus tragique de se quitter après le choc électoral qu'il a du encaisser? Tragique le ton et les mots choisis. Tragique l'image de fin de course. Tragique surtout le public en larme qui n'a pas la force de rappeler l'autre faisant ses valises de Matignon au coeur de la débâcle. Lequel s'évertue à nous dire qu'il pourrait rester utile (encore cette histoire de rapport à l'égo). Alors utile sûrement, mais dans un role nouveau que je propose de définir..

En avril, ne te découvre pas d'un fil

A lire et à entendre ces appels répétés mais sans écho, je ne pouvais donc pas résister longtemps à un hommage à celui qui fût notre premier ministre le plus long de cinquième République.
Quand d’autres retiennent les mots actant son départ précipité un soir d’avril, je préfère m’attarder sur les leçons d’un au revoir raté avec un brin de gentillesse comme je m’y suis employée avec Laurent Fabius. Il faut dire que la tâche est rude, tant le sentiment de révolte – (et non de tristesse comme beaucoup de mes camarades)- que j’ai éprouvé à ce moment fût grand. L’exercice est nécessaire voir salutaire pour réussir cette fois-ci à nous faire à l’idée qu'il est d'utilité collective que Lionel sorte par le haut de cette élection présidentielle là, mais au fond pour lui rendre un peu justice aussi.

L’inventaire politique du 21 avril 2002

Un bilan, pour être régulier sur le plan comptable, doit comporter un actif et un passif qui, au final, doivent s’équilibrer. Si l’on peut dresser dans la colonne "passif" les échecs du bilan Jospin en partie sur les 35h dans les hôpitaux, les minimaux sociaux, ou encore l’affaire Chirac, il faut aussi reconnaître que son Gouvernement fût le plus volontariste que l’on n’ait connu s’agissant de l’emploi, la CMU et la réduction du temps de travail (et oui ce qui est une dette est aussi un actif en comptabilité).

Mais ce qui semble aisé sur le bilan gouvernemental des cinq années précédent le "séïsme" ne l’est pas tout autant sur le plan électoral. Souvenons-nous qu’avant 2002, il y eut les élections municipales de 2001, lesquelles furent une véritable hécatombe pour le PS, signe avant coureur d’un divorce entre le parti, ses dirigeants et les couches populaires. Combien de villes dont la célèbre Epinay alors perdues du fait de l’assurance démesurée du parti de sa victoire ? Cette assurance, cet orgueil même que l'on a repproché à Lionel n'étaient-ils donc pas déjà de cirsconstance pour d'autres de nos leaders socialistes ? Ensuite vint l’échec de 2002 où l’explosion de l’abstention et du vote front national sauta brutallement aux yeux de la population. En rappelant cela, je veux faire œuvre de réhabilitation individuelle pour Jospin qui nous a dit à la Rochelle qu'il incarnait personnellement la défaite. Non Lionel, ne te torture pas plus longtemps. Celle-ci était en fait aussi une responsabilité collective dont ta candidature a été effectivement l'incarnation, mais sutout l'inéluctable conséquence de nos moeurs politiques tout autant que de nos hésitations face au libéralisme.
L'inventaire politique du 21 avril aurait bel et bien du avoir lieu dans le parti socialiste. Tel n'a pas été le cas ni à Dijon, ni au Mans.

Un parti discipliné au lieu d’être moteur du débat politique

J’en veux pour preuve le suivisme coupable avec lequel le PS a accompagné l’action gouvernementale s’efforçant même parfois de freiner les démarches engagées par des parlementaires dans un rapport de force avec l’exécutif qui aurait pu être constructif. L'exemple de l'affaire Chirac, en fût la piteuse démonstration. N'oublions pas que c'est Hollande lui même qui menaçait d'oter l'investiture à ceux qui signaient la proposition de résolution Montebourg. J’entends que le Parti n’a pas joué son rôle d’aiguillon ni d’agitateur d’idées et de conscience qu’il aurait dû face à un gouvernement, pris dans les contraintes d’une gestion nationale et plurielle de sa majorité et donc non partisane. Autrement dit, le PS, serré en rang d’oignon derrière l’action du Premier ministre n’a pas été utile en tant que tel dans le débat démocratique, voir il a handicapé la gauche. Je considère donc que la défaite a résulté d’un processus de démission collective avant, pendant la campagne et jusqu'à l'annonce du retrait de Lionel Jospin de la vie politique. Et, ce départ a non seulement eu pour conséquence la défaite aux législatives, assez naturelle vu l’inversion du calendrier électoral, mais surtout le terrible effet pervers d’empêcher la remise en cause profonde du parti socialiste et de sa direction qui s‘est bunkerisée, repliée sur elle même.

La révolution sacrifiée sur l'autel de la réforme

Façon pour moi de dire que le retrait de la vie politique de Lionel Jospin n’est pas la cause mais l’aboutissement tragique d’un renoncement collectif. Nous payons d'ailleurs encore le prix de cette fichue culture de Gouvernement que nous jouons dans l'opposition avec l'histoire de ce qui a été présenté comme "l'accord" tehcnique PS/UMP annoncé dans tous les médias sur la fusion Suez/GDF. Rennonant à aller au bout de la discussion sur ses amendements, le groupe socialiste décide donc de solder l'affaire, dépose les armes en apparence, évitant à Villepin de dégainer le 49-3. Ce que l' on a ainsi osé appelé "être responsable", apparaît surtout aux yeux de la population comme l'orchestration et la poursuite d'une cohabitation dissimulée entre la majorité et l'opposition. Que dire à ceux qui nous interpellent sur les marchés en nous expliquant que "vous les politiques, vous ne servez à rien, et d'ailleurs vous n'êtes là que pour vous servir" ? ...Je cherche encore à convaincre n'étant pas convaincue moi même..

Il n'y a donc aucune raison de laisser croire aux uns et aux autres que Lionel Jospin est le seul facteur de la dépression post-traumatique que nous avons traversée. Pas plus du moins qu'il n'y a de raison justifiant une nouvelle candidature oserais-je. Car en réalité, ce qu'il manque à Lionel Jospin n'est pas une nouvelle chance d'être le candidat, mais un évènement qui pourrait effacer cette tragédie de l'au revoir raté et nous permettre de nous remettre en cause nous même en réhabilitant la culture du combat.


Rendons à Jospin ce qui est à Trotsky

Vu ce que je disais sur Machiavel au départ, je remarque qu'on instruit trop souvent le procès contemporain de Trotsky du fait de la pratique de certains dirigeants d'appareil. Pourquoi ne pas considérer qu'à l'instar de Léon Trotsky, Lionel Jospin est lui aussi mal décrypté et plutôt mal servi ? Révolutionnaire, Trostsky a durant toute sa vie dénoncé une monstrueuse dégénérescence bureaucratique du communsime et a surtout été victime de la calomnie stalinienne dont il était l'ennemi juré. Voyons donc comment Staline a dévoyé et le communisme et la révolution !
Parce que cette fois-ci la fin de l'histoire ne peut pas être tragique, la possibilité qu'il reste à Lionel Jospin de se rendre vraiment utile sera de servir la "révolution démocratique"en restant celui qui, par ses interventions publiques ces temps ci, nous a offert de très belles réflexions et analyses sur l'état de ce monde en assumant d'être pleinement le brillant intellectuel qui se cache derrière le malheureux politique. Je pense notamment à sa tribune parue dans le Monde le 28 juin 2006.

Réussir sa sortie pour être "utile" à la cause

Cette occasion nouvelle de saluer convenablement, une dernière fois, son "public" s'est produite à la Rochelle. Exprimer, de telle mannière à une jeune militante héritière de la génération Jospin, la larme aux yeux, son explication est le point de départ du deuil de la candidature Jospin. Son explication n'est toutefois pas l'expression d'un regret. C'est une justification personnelle d'un échec politique. En somme une preuve d'abnégation pour éviter ainsi la mise en examen du Parti socialiste tout entier.. Ce que l'on a présenté comme un acte d'orgueil n'était donc que la simple traduction d'un dévouement religieux à la cause déçue, déchue même. Jospin, ne fût que le représentant d'un parti qui avait décidé de renoncer à rendre au politique des marges de manoeuvre face à l'économie à travers un projet dont il eut la franchise de reconnaître qu'il n'était (même) "pas socialiste".
Or le ps encore aujourd'hui miné par une image de looser a besoin d'une nouvelle vitrine face à un candidat conquérant. De même que les français doivent se réconcilier avec la France, le PS doit changer. Pas seulement de représentant, mais c'est un début.

Revenir par une candidature serait courir le risque d'annuler cette sortie positive de Lionel Jospin, en appaissant comme celui qui veut à tout prix le pouvoir même si lui nous dit qu'il veut être utile. Ses très chers amis qui l'invitent à se présenter constitueraient ainsi le pôle de rassemblement de la défaite, car assurément elle le serait. Sarkozy n'espérerait d'ailleurs pas meilleur adversaire représentant le passé tandis que lui prétend être le renouveau. Sinon comment expliquer le traitement par le Figaro des dernières sorties de Jospin, allant jusqu'à lui consacrer sa "Une" ?

Avec Sarkozy, le scénario est neuf, les acteurs doivent donc changer.

Alors, la présidentielle nous offrira l'occasion à la fois de Démitterrandiser et de Déjospiniser le PS avec l'espoir d'ouvrir la voie à l'ère nouvelle de nouvelles conquêtes sociales et du progrès durable. C'est un chemin vers paix dans la guerre qui traverse le socialisme à la française entre réfromistes et révolutionnaires.









1 Comments:

Blogger Séverine Tessier said...

Salut Al capone.(j'adore!!)
Il faut lire ces notes portrait au second degré. C'est un peu la façon humouristique que j'ai de leur dire "lâchez prise les mecs". Car je partage ton analyse sur le changement nécessaire et tu le vois aussi sur la responsabilité collective qui n'exonère par pour autant le principal représentant tu as raison. En même temps, gardons à l'esprit combien le pouvoir isole et coupe des réalités quotidiennes des gens ordinnaires (j'ai vu le film "Président" ce dimanche, je te le conseille). C'est aussi lié à la nature et la pratique des insitutions de la V°république conjuguées à une dérive libérale à l'échelle mondiale (je ferai bientôt un article là dessus)
Cela dit, je ne suis pas capable d'en faire autant sur DSK qui est le grand ami des financiers et ne saurai pas comment lui rendre "hommage" comme je l'ai fait avec les deux autres.
Merci d'avoir laissé un commentaire. Nous nous rejoingnons bien sur le fond.

2:42 AM  

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