Thursday, September 14, 2006

L’homme Fatal






Fabius, homo politicus (1ère partie)

En quelques années, j’ai compris que la politique compte deux genres déviants sur le plan psychocomportemental : les narcissiques et les égocentriques. Les premiers s’aiment tellement qu’ils se suffisent à eux-mêmes. Les seconds cherchent à se faire aimer des autres à tout prix. Dans un cas, l’homme politique a tendance à négliger le peuple considérant devoir faire son bien malgré lui. Dans un autre, il le flatte en espérant que l'autre lui retourne un peu de considération. Quand le narcissique cherche à convaincre qu’il est le meilleur, l’égocentrique veut séduire pour qu’on lui dise qu’il n’a pas d’égal.

Si je m’essaye à classer quelques grandes figures parmi ces deux genres, je remarque qu’il existe assez peu de "vrais" narcissiques en politique. La plupart étant des personnages complexés peu sûrs d’eux ayant besoin de se sentir valorisés et accordant tout leur temps à la communication. Force est de constater que, les grands hommes politiques, du moins ceux qui ont marqué la V° République (diantre! peu de gloire aux femmes), appartiennent au premier genre.


Il faut rendre à Fabius ce qui est à César (F.M.)

Je considère que Laurent Fabius est de ceux là. Je crois qu’il a la hauteur de vue et l’assurance de lui-même qui font la trempe d’un véritable personnage que retient l’histoire et, sans nul doute, un des derniers de cette espèce intelligente en voix d’extinction. Sauf que, Laurent Fabius est victime de l’épuisement des ressources naturelles en politique. C’est un effet collatéral des dégâts de la pollution de l’idéologie par la comunication. Pour lui -sans comparaison excessive à Rocard-, ce pourrait être toujours trop tard..ou trop tôt. Dire les choses ainsi, cela reviendrait à considérer que pour Laurent Fabius, le fameux temps de l’occasion opportune, « le Kayros » (mot Grec employé par lui-même) pourrait ne jamais venir.


Une histoire d'armure ..

On notera le manque de reconnaissance des siens pour celui qui fût le plus jeune premier ministre, fils préféré de Mitterrand. Accablé par un procès dont il est sorti sonné bien qu’innocenté (mais toujours digne), son honneur à lui n’a jamais été lavé pour autant. De surcroît, celui qui n’a jamais cherché à plaire a toujours été honni, parce que trop brillant sans doute. Et, pour continuer à faire de la psychologie de comptoir, je crois que c’est ainsi parce qu’il ne sait pas dévoiler son affection au peuple. « Trop distant » disent les uns, « Juppé de gauche » caricaturent les autres. Il ne rentre pas dans le schéma Gaulois de la rencontre charnelle d'un homme avec le peuple. On lui prête l’ambition de ne vouloir servir que lui-même, alors que lui dit qu'il veut servir la France. La plupart de ses concurrents au PS ont compris que les gens de notre époque attendent en fait qu'on leur dise qu’on veut les servir eux en les regardant dans les yeux. Ce que résume assez bien l'expression employée par Arnaud dans une lettre expliquant son soutien à Royal à travers une métaphore amoureuse ; "la rencontre de deux désirs profonds". (il parlait d'aspirations populaires au changement et à l'ancrage à gauche).

Et d'ailleurs, même lorsqu’il a tenté de gommer son narcissisme par deux actes important ; le référendum et les carottes râpées, on le lui a reproché. En se rapprochant du peuple lors du référendum européen il s’est sûrement pris au jeu en allant à la rencontre de l’autre qui lui manquait tant. Mais on ne lui pardonne pas d'avoir tenté de mettre un doigt dans la confiture people – on se souvient de la Star Ac- , tant ça ne lui allait pas. Ce fût alors une erreur. Les gens n'attendaient pas tant quelqu'un qui cherchait à leur ressembler, qu' un seul geste d’amour à leur égard. Au final, dans les deux cas, il fût taxé d’insincérité, voire de démagogie.

Or, reprocher à un narcissique sa démagogie, franchement c’est tout de même un comble ! Cela revient à dire de celui que l’on prétendait hier grand bourgeois éloigné des réalités de vie et des attentes des citoyens ordinaires qu’il n’écoute plus qu’eux ! Il est à noter que les principales attaques viennent pourtant de son propre parti et non de la droite qui n'ose trop s'y frotter le sachant redoutable. Mais le pire est venu d’un chanteur qui lui a dénigré le droit même de diffuser sa musique lors d’un rassemblement militant sous prétexte qu’il ne rejoignait pas ses idées. (Roulant apparemment pour un autre candidat de gauche, en eût-il fait autant si sa musique eut servi devant un auditoire Sarkozyste ? même pas sûr..en tout cas c'est clair pour moi Cali -que je découvrais par la même- c'est déjà fini. Trop sectaire).
Ces exemples en vrac montrent que les règles du marketing politique ont eut raison de lui parce qu’il reste indifférent à ce système. Fabius est victime de ses propres turpitudes. Lui qui a longtemps loué les vertus du socialisme moderne se voit ainsi renvoyé au passé. Justice diront les uns, alors que les autres le déplorerons.


Victime d'abord de l’ère communicationnelle

Je l’explique par la société dans laquelle nous vivons qui met en exergue l’égo tout en renvoyant chacun à ses complexes de ne jamais atteindre la perfection, à cet air du temps auquel un Laurent Fabius échappe miraculeusement. Car, Laurent Fabius est à la France ce qu’un grand cru Bordelais et au vin : avec son parfum d’histoire authentique qui le distingue des autres et des racines lointaines il s'améliore avec le temps. Hélas trop assis sur sa notorité, il se voit détrôné par des crus nouveaux bien commercialisés sur l'air de la mondialisation des goûts.

Je voudrais donc par ce billet rendre de son vivant un hommage appuyé à un homme admirable sur lequel la malédiction du siècle débutant s’abat en ouvrant l’ère du marketing et du consumérisme politique dont il est l'un des dernier rempart à gauche (avec Jospin..prochain billet). Et cela fait de lui un vrai candidat anti système ; celui dont les milieux financiers et les bushistes ne veulent absolument pas. Il a ma sympathie pour cette raison.
Je ne veux pas dire ainsi que c’est défintivement fini pour lui (et d'ailleurs je ne m'inquiète pas, une place lui sera sûrement réservée au paradis des ex grands hommes politiques ; entendons un machin international), mais j’ai comme un regret que les grands artistes ne soient jamais reconnus de leur vivant. Or Laurent Fabius a fait de la politique un art.

Donc, je trouvais juste amical de le faire "de camarade à camarade" en utilisant l’un des rares supports de libre expression militante qu’il nous reste. (Vive le net !)
Car, devant toute l’ingratitude avec laquelle on traite le talent, la classe en général et, de cet homme là en particulier, je déplore le gâchis. Or, vu ce que ce monde compte d'injustices on se sentirait tous un peu fabiusiens pour le coup.

Aussi, dans le cas où les prédictions des sondages d’opinion du moment ne s’avèreraient pas vraies au bout du compte, j'irais jusqu'à dire que c’est peut être un peu d’espérance qui nous serait alors rendue.
A défaut, je crains de devoir enterrer mes rêves d’idéal politique masculin.
J’aurais compris ce qu’est un homme fatal...


PS : Prochain billet sur Jospin ou la tragédie de l’au revoir

1 Comments:

Blogger Séverine Tessier said...

Cher Nicolas,
Oui il y a sans doute une part de regret. Mais aussi une analyse froide et lucide de la situation du pays, le fonctionnement de la vie politique et du ps en particulier. C'est ma façon de dire que lorsqu'on est en face d'un mur, il faut parfois le contourner, faire avec ce que l'on a, chercher à améliorer le réel, à défaut de trouver les moyens d'atteindre l'idéal. N'y vois pas un renoncement mais une adaptation ponctuelle des moyens à la fin. (Au sens laïc j'entends.. on l'attribue à Machiavel qui fut souvent mal interprété je trouve). Quant au vote, la cohérence avec tout ce que je dis voudrait qu'au final mon choix s'oriente donc vers Ségolène..au nom de la raison car c'est le moment pour une femme.

2:30 AM  

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